KOTTERI!, l’élégance au bout du pinceau
KOTTERI! est une autrice dont le raffinement a su subjuguer ses lecteurs par la grâce et l’élégance de ses dessins. VEIL est le premier titre lancé par Noeve Graphx dans le manga. Le succès est au rendez-vous. Si bien que la jeune autrice a pu venir en France à Japan Expo où nous avons pu la rencontrer. Laissez-nous vous présenter une perle parmi les perles.
Cet article a été rédigé pour Journal du Japon.
De VEIL aux Chroniques des 7 cités
Elle et lui sont nés sur internet, d’abord sans avoir de nom, puis Emma et Aleksander se sont dévoilés au fil des illustrations et des planches. Un voile pudique couvre cette relation dont on en sait pas grand-chose. Les lecteurs combleront eux-mêmes les trous. Où se passe l’action ? Quelque part entre la Russie et la Grande-Bretagne, une ville sans nom, mais qui nous semble proche. Quand se passe l’histoire ? Allez savoir, dans les années 40, 50, 60… Quelle importance après tout ? Elle et lui semblent intemporels, figés dans univers irrémédiablement révolu et insaisissable.
Il l’a rencontre dans la rue par un beau hasard : il est policier, il veille sur elle. Malgré sa cécité, ils se rapprochent assez pour qu’il lui propose le poste de standardiste à son poste de police. Son trait doux et élancé, le contraste entre les différentes couleurs font de son manga un ovni.
Les courbes d’Emma sont délicates : c’est à la fois sensuelle et pourtant très pure. Elle a un faux air d’Audrey Hepburn dans Diamants sur canapé. Parfois on a plus l’impression de voir une actrice sur les tapis rouge qu’une jeune employée de la police. Lui a une prestance folle, grand et bien batti. Même si elle ne peut pas le voir, elle s’est vite habituée à sa présence. On sent une vraie complicité entre eux. C’est à la fois si doux et si envoutant.
Noeve Graphx a su parfaitement mettre en valeur ce petit trésor. Les lecteurs ne s’y sont pas trompés offrant à la jeune mangaka l’opportunité de continuer son œuvre grâce à l’enthousiasme des lecteurs. Des années de galères enfin récompensées. Les versions collector japonaises ne sont pas en reste, l’une d’entre elles contenant du thé et une autre un joli foulard. Nous sommes en plein dans la thématique cocooning.
Quand on lui demande ses influences, elle cite inévitablement l’artiste René Gruau. Il s’agit d’un illustrateur, affichiste et peintre franco-italien réputé pour ses illustrations pour la mode et la publicité. On le connaît notamment pour ses dessins pour Dior ou le fameux “rouge-baiser” resté dans la mémoire collective. Son héroïne porte avec élégance des robes et des chapeaux de créateurs de haute couture. Ces petits clins d’œil à une histoire de la mode sont aussi appréciables que l’on s’y connaisse ou pas. Ici, une illustration d’Emma avec la robe Mondrian d’Yves Saint Laurent datant de 1965 ; là, un logo inspiré de Gucci (puisqu’elle adore cette marque). Ce n’est pas pour rien qu’elle aime tout particulièrement le travail de Hirohiko ARAKI (JoJo’s Bizarre Adventure).
C’est sous le nom d’Ikumi Fukuda qu’elle publie Chroniques des 7 cités tirés du roman de Yoshiki TANAKA. Ses œuvres les plus connues sont sans nul doute Les héros de la galaxie et The Heroic Legend of Arslân.
En 2088, l’axe de la Terre bascule de 90°, causant des catastrophes en chaîne qui laissent l’humanité au bord de l’extinction. Une poignée de survivants s’est réfugiée sur une colonie lunaire. Trois ans plus tard, certains reviennent peupler la Terre et y bâtissent sept cités, à des endroits stratégiques. Mais entre dispute des ressources, auto-défense et luttes de pouvoir, ce n’est pas vraiment l’unité qui règne sur le nouveau monde… Chaque gouvernement rivalise alors de stratégies militaires et d’intrigues politiques pour que sa cité tire son épingle de ce jeu dangereux.
Un système de défense orbitale est installé au-dessus de la Terre et il détruit tout ce qui vole à plus de 500 mètres dans les airs. Aucun missile ne peut être lancé depuis le sol. Cependant, nos militaires ont de la ressource et font la guerre autrement. Dans ce monde moderne, ils reviennent au basique. Bataille navale ou terrestre, ils font avec les moyens du bord. Série courte en cinq tomes, elle est aussi publiée chez Noeve Graphx.
KOTTERI! est une artistes avec de multiples facettes. Dans ses doujinshi (fanzine parodique amateur), elle s’est essayé à coucher sur papier ses films préférés comme MAD MAX, Fury road, Kingsman ou Transformers. Nous sommes très loin de l’univers éthéré de Veil.
Parmi ses nouveaux projets, elle a collaboré avec le scénariste Carlo Zen (Tanya The Evil) sur un nouveau manga avec comme toile de fond de la stratégie militaire. Le premier tome sortira le 18 novembre et le second le 20 décembre au Japon.
Interview à Japan Expo
Journal du Japon : Quel est votre parcours professionnel ?
KOTTERI! : J’ai appris toute seule à dessiner. Je suis totalement autodidacte. Au départ, j’ai commencé par publier des petits dessins sur Internet et dans des fanzines (doujinshi). Ils ont été repérés par une maison d’édition. C’est comme ça que j’ai été édité, un peu par hasard car à la base, c’était un simple hobby personnel, je ne pensais pas du tout faire carrière. C’est vraiment parce que j’ai été repéré sur internet que tout à vraiment commencé, c’était inattendu.
Comme ça n’a pas été pensé comme une série, comment avez-vous construit votre histoire ?
Entre les deux héros, ce sont vraiment des moments de conversation qui s’enchaînent parfaitement. Mais, oui c’est vrai, il n’y a pas vraiment d’histoires en vrai (rires).
Et quelles sont vos influences ? Vous aimez vraiment la mode, ça se sent.
Je me suis imprégnée des illustrations de mode comme celle de René Gruau. Je m’en suis beaucoup inspirée. J’ai aussi fait des recherches sur d’autres créateurs. Elles sont nombreuses.
Vous êtes à Paris, la capitale de la mode et de la haute couture. Est-ce ça vous a donné de nouvelles idées ?
Nous avons aussi tout cela au Japon, il y a beaucoup de magasins au Japon mais je dois dire que ce n’est pas du tout la même ambiance. On verra…
Dans les costumes, on a vraiment une ambiance occidentale un peu russe pour certains vêtements, mais une touche un peu anglaise aussi. C’est un mélange amusant pour un européen.
Oui, c’est un pays qui est assez froid au niveau des températures. Donc ils portent de grands manteaux comme vous l’avez souligné.
Pouvez-vous nous parler un peu plus de la relation qui existe entre les deux héros ?
Leur relation est suggérée. Je n’ai pas envie d’en dire beaucoup plus. C’est à chacun de mettre des mots sur leur relation selon votre propre ressenti.
Dessinez-vous en numérique ou de façon analogique ?
Donc souvent je dessine sur papier. Ensuite, j’aime beaucoup prendre des photos que je peux modifier ensuite en numérique.
Quand vous travaillez, est-ce que vous vous concentrez avec de la musique, des films ?
Certains dialogues sont inspirés de films, en effet. Millenium (Niels Arden Oplev – 1999) est un film que j’apprécie beaucoup, quand je dessine j’aime bien me plonger dans ce genre de film. Ça n’influence pas forcément directement mes dessins, mais ça m’accompagne dans mon travail. C’est ce que j’entends ou ce que je vois qui va plonger dans une ambiance. Au final, il y a beaucoup d’influences qui se mélangent.
Vous êtes en France depuis quelques jours, qu’avez-vous pu faire ?
Ce week-end je suis allée dans le métro, ce a été une belle surprise car je me suis retrouvée devant un couloir rempli d’affiches (de Veil NDLR).
Cela a dû vous faire plaisir ?!
Oui parce que c’est surprenant et merveilleux à la fois.
Un dernier message à vos lecteurs et lectrices ?
Merci beaucoup d’être venus à Japan Expo pour me rencontrer. Cela m’a fait énormément plaisir.
Merci à Noeve graphx, à la traductrice, mais aussi au staff de Japan Expo pour cette interview. Merci à Journal du Japon pour cette opportunité.