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Chef-d’œuvre intemporel : Banana Fish

Banana Fish est le manga le plus emblématique de la carrière d’Akimi Yoshida. Il chamboulera de nombreuses lectrices, mais aussi des lecteurs. Cette histoire déchirante éprouvera profondément sa créatrice, qui au bout de 10 ans d’écriture devra prendre une pause méritée après la fin de la publication. Il est prépublié dans le magazine Betsucomi (à l’époque son nom est encore Bessatsu Sho-comi). Son titre est une référence au livre Un jour rêvé pour le poisson-banane de J. D. Salinger.
En France, la série débarque en juillet 2003 et se termine trois ans plus tard. Le succès n’est pas vraiment au rendez-vous de ce fait, il ne sera pas réimprimé. C’est le succès de l’anime, pourtant diffusé de  façon assez discrète sur Amazon Prime qui permet au manga de retrouver l’intérêt du public. Il faudra attendre avril 2021 pour qu’enfin Panini manga nous permette de retrouver une librairie ce monument du shōjo manga.

Rappel du contexte

« – Une nuit au Vietnam, un mec de mon unité a complètement disjoncté. Il a chopé un M16 et il a tué trois de mes hommes.
– Il était shooté ?
– Je crois, ouais. Ils l’ont emmené dans un hôpital à Saïgon mais on a perdu sa trace. La dernière chose qu’il m’ait dite avant de disparaître, c’est… « Banana Fish ».
– Intéressant mais… si quelqu’un ou une organisation de ce nom existe, on aurait dû en entendre parler depuis le temps, non ? »
Ainsi commence Banana Fish…

Sexe, drogue et rock’n’roll

Banana Fish c’est une histoire qui tend entre l’action, l’enquête policière et le drame permanant. Ça se fight, ça se bastonne, ça meurt aussi et on souffre de chapitre en chapitre. Le côté enquête est plus important dans le manga car le récit du policier a tété tronqué dans l’anime faute de place. Politique, complots, meurtres, enlèvements, les rebondissements ne manquent pas et parsème le récit de bout en bout.
La romance entre deux jeunes garçons dont les routes n’auraient jamais dû se croiser est au second plan toujours suggérée, mais jamais officialisée. Ash Lynx est un jeune chef de gang, ayant déjà vécu trop de choses pour son jeune âge. Un jour il fait la rencontre Eiji Okumura un jeune homme à la recherche d’un but dans sa vie après avoir dû abandonner le sport suite à une blessure. Pour l’un comme pour l’autre cette rencontre va changer leur vie. Ash rencontre un jeune garçon désintéressé, et toujours près à l’aider sans rien demander en retour. Eiji lui se heurte à la réalité de la vie, dure, sans fard et qui le blessera au plus profond de lui. Eiji est la lumière qui guidera Ash vers la rédemption et le salut.

Ash est brisé depuis sa plus tendre enfance, il a perdu sa candeur et sa naïveté bien trop tôt. Anti-héros par excellence, il tue froidement, n’a aucune pitié ou de moral n’ayant jamais appris à aimer son prochain. Il a beau avoir la gueule d’un ange, il n’en reste pas moins un ange de la mort. Il se forge une armure que seul Eiji saura fendiller. Malgré son jeune âge ses subordonnés ont confiance en lui et lui sont dévoués jusqu’à la mort. On aurait pu le détester, mais Akimi Yoshida en a voulu autrement. Elle n’en a pas fait pour autant un personnage détestable. Bien au contraire, plus on en apprend sur son passé, plus on a de la compassion pour lui.

© 1986 Yoshida Akimi, Shogakukan
Univers sombre et impitoyable 

Cette histoire d’amour et d’amitié incroyable a traversé le temps et émeut même les nouveaux lecteurs plus de 30 ans après sa sortie. On chéri les petits riens, ces instants de calme et de bonheur avant de replonger dans l’horreur des fusillades, des morts et des violes. Parce que oui, rien n’est épargné à nos deux amis et à leur entourage. Le récit n’épargne aucun sujet. Le viole, les meurtres, la prostitution infantile, la drogue, la guerre… Eiji va devoir se confronter au pire de que l’humanité peut engendrer. Et nous aussi. Le récit en devient d’autant plus oppressant, mais prenant aussi. On souffre, mais c’est aussi une certaine réalité. Pourtant, nous n’aurons jamais à tout voir. Tout est suggéré et notre imagination fait le reste. Pour autant le manga ne perd pas en profondeur et en noirceur. Ce que l’on ne voit pas, fait pourtant parti de l’histoire d’Ash.

Amour ou amitié 

Pour ceux qui se demandent s’il se passe vraiment quelque chose entre Ash et Eiji, l’autrice botte en touche en disant qu’il aurait pu se passer quelque chose si le destin leur en avait donné le temps. Les illustrations qu’on peut retrouver dans son art book Angel eye ou ses illustrations en SD sont plus parlante que de longs discours. Accessoirement, on peut apprendre aussi qu’Eiji aurait pu être un personnage féminin, mais qu’avec son éditeur ils ont changé pour l’histoire de deux garçons. Il était plus plausible qu’un jeune apprenti photographe se retrouve dans les bas fonds de New York qu’une jeune fille. Au final, le lecteur se fera un avis selon sa propre vision des choses.
Bien entendu, réduire Banana Fish à la seule relation Ash/Eiji serait passer à côté de bien des facettes du manga. Tous les personnages ont un background intéressant que ce soit l’énigmatique Blanca, le fougueux Sing ou le sanglant Yut-Lung. Le destin de Shorter ne laissera personne indifférent non plus. Bref, Banana Fish c’est une palette de personnages au service d’une histoire intemporelle.

© 1986 Yoshida Akimi, Shogakukan

Le trait de l’autrice évoluera beaucoup en dix ans. Dès débuts très rond et très proche de Katsuhiro Otomo, on glisse vers un style plus effilé, plus anguleux, propre aux shōjo des années 90. Il ne faut pas que le style graphique soit un problème pour vous. Laissez-vous plutôt entrainer par le récit qui lui n’a pas pris une ride. Les traits de Ash Lynx ont été influencé par Stefan Edberg, puis River Phoenix. Certaines illustration de Banana fish sont directement inspirées de My Own Private Idaho. Quant à d’Eiji Okumura ce sont les traits de l’acteur japonais Hironobu Nomura qui l’influença. Sing Soo-Ling est le protagoniste de l’histoire qu’on retrouve dans plusieurs de ses œuvres dont Yasha. Pour les plus perspicaces vous pouvez même croiser Eiji et Ash dans les arrières plans…

Pour l’éternité

Banana fish est loin des du shōjo tel qu’on se l’imagine encore trop. Il compile tous des sujets lourds de sens, des destins incroyables, des rires, des larmes… Lectrices et lecteurs ne sortent pas indemne. Certains en ont fait des chansons (notamment Gackt avec Arsun dream et Ash), d’autres on attendu les 20 ans pour porter ce chef-d’œuvre à l’écran. Il a marqué durablement une génération, et l’anime à contribué à remettre sous les feux des projecteurs cet incroyable manga de légende. Adapté pas moins de 4 fois en pièces de théâtre, c’est son anime qui fera redécouvrir pour beaucoup le manga (voir article). Il fêtait les 20 ans de sa version papier.

© Project BANANA FISH / MAPPA / Akimi Yoshida

Banana fish a été une revalidation lors de son visionnage. Trois en plus tard, je reste une fervente admiratrice du travail d’Akimi Yoshida. Me manquait la version français car je n’ai jamais voulu acheter l’ancienne version à pris d’or.
Merci donc à Panini manga de nous permettre de lire et relire ce chef-d’œuvre intemporel. Une édition double, grand format avec une traduction revue et des petits cadeaux en bonus (cartes). Cette nouvelle édition perfect contiendra les chapitres inédits en France compilé au Japon dans un 20e tome. Vous pourrez donc enfin lire Private Opinion avec la rencontre de Ash et de Blanca ainsi que Fly Boy in the Sky une histoire courte écrite en 84, avant la publication de Banana Fish, et qui nous présente Eiji quand il est encore sportif ainsi que sa rencontre avec Ibe.

Banana Fish est un manga qui fait mal, on ne ressort pas indemne de sa lecture. Et pourtant, on s’y attache, on replonge dedans à l’infini pour revivre les bons moments, tout en pleurant sur les mauvais. Akimi Yoshida nous a offert une aventure formidable écrit avec les tripes. Une histoire universelle et intergénérationnelle. 

Tanja

Tombée très tôt amoureuse du Japon, Tanja écrit sur la J-music, les mangas et les anime depuis 1997 dans des fanzines puis sur plusieurs webzine et sur son blog. Dès que l'occasion se présente elle part au Japon se ressourcer.

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