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Rencontre avec Izumi Matsumoto le créateur de l’inoubliable Madoka

Izumi Matsumoto a fait le déplacement jusqu’à la grande messe de JAPAN EXPO pour rencontrer ses fans. Auteur du mythique Kimagure Orange Road (Max et compagnie publié en France chez Tonkam) sa vie n’a pourtant pas été un long fleuve tranquille. Il s’est livré lors de de différentes conférences et tables rondes sur ses œuvres mais aussi sa maladie. Découverte d’un parcours pas comme les autres.

Izumi Matsumoto de son vrai nom Kazuya Terashima est né en 1958. Il débute sa carrière de dessinateur au début des années 80 avec des histoires courtes comme LIVE ! Tottemo Rock’n’roll, Milk Report ou Panic Orange Avenuemais, à l’époque, le succès n’est pas vraiment au rendez-vous.

Ce n’est qu’en 1984 que la chance lui sourit avec ce qui deviendra son œuvre majeur : Kimagure Orange road. Publié entre 1984 et 1987, ce shônen ne doit pas son succès à son héros masculin, Kyôsuke (Max), mais à l’héroïne Madoka Ayukawa (Sabrina) qui fera tout le sel de la série. Une héroïne forte, charismatique avec un charme fou loin des poncifs du genre. Madoka incarnera en effet, cette beauté féminine empreint d’indépendance et de force, mais qui ne résiste pas à l’amour et à l’innocence de Kyôsuke.

Il nous explique sa création : jusqu’ici les personnages féminins de manga étaient souvent des filles jolies, sérieuses, qui prenaient des responsabilités du genre déléguée de classe. Des filles que tout le monde admirait. Et dans le monde du manga des années 80 survient un nouveau phénomène avec l’apparition de personnages, des petits délinquants, junky, qui étaient souvent des garçons. Dans certains mangas que je lisais il y avait justement des histoires de ces délinquants qui tombaient amoureux de jeunes filles pures. Et c’est pour ça que j’ai voulu raconter une histoire à l’envers. J’ai donc créé une fille ayant une apparence de délinquante qui tomberait amoureuse d’une personne innocente comme Kyôsuke. Il n’y avait pas à l’époque d’histoire d’amour qui représentait cette situation, avec une protagoniste attirante mais plutôt sexy que kawaii.

Romance ponctué de magie et d’humour, Kimagure Orange Road est un savoureux mélange qui a marqué toute une génération. Le manga fut adapté en série télé en 1987 avec le succès qu’on connait, grâce en partie à Akemi Takada, la character designer de l’anime, qui aura le talent de classer Madoka parmi les plus belles créations de l’animation japonaise.

Izumi Matsumoto semble, lui aussi, avoir apprécié le travail qui a été fait sur la série : Je pense que pour l’adaptation animée il y a eu un très bon staff, ces personnes l’ont adapté à merveille. Je regardais moi-même l’animé à la télé quand j’avais le temps, et je trouvais ça bien réalisé. J’étais content de leur travail. Mais je n’avais pas le temps d’y participer car je devais rendre les planches chaque semaine pour le Shônen Jump. Et c’est quand j’ai arrêté de publier que j’ai eu le temps de participer à l’animation du 2e film.

La série télé a aussi connu un grand succès en France, mais le manga n’est paru que bien des années après sa première diffusion sur la Cinq. Izumi Matsumoto est surpris de l’impact qu’a eu son œuvre en France : je vous remercie de qualifier mon manga d’œuvre qui a facilité l’introduction de la culture japonaise en France et à vrai dire ne n’en ai pas eu conscience. Je réalise éventuellement cela au moment où vous posez cette question. Dans ce cas je suis vraiment très content de rencontrer les fans qui aiment mon travail.

A notre demande, il raconte ensuite une anecdote assez intéressante : à l’origine je voulais donner un grand frère à Hikaru (Pamela) qui aurait été leader yankee à moto, un chef de clan très attirant. Ce dernier aurait été en relation amoureuse avec Madoka. Quand elle aurait rencontré Kyôsuke elle aurait déjà un petit ami, ça n’aurait pas été un triangle amoureux, mais un carré amoureux ! Sauf que quand je l’ai raconté à mon éditeur, il a dit que cela risquait de trop compliquer l’histoire. Ce personnage a été abandonné. D’ailleurs au début de la série quand Madoka est en cours elle rêve en regardant par la fenêtre, en fait elle pense à son petit ami…

Lors de la conférence, il avoue également que la version originale de Orange Road était pour un public adulte mais qu’il avait dû l’adapter à un auditoire plus jeune. Mais il avoue qu’il à toujours voulu faire quelques histoires destinées à un public plus adulte. A la fin d’Orange Road publié dans le Shônen Jump, il écrit donc une des histoires avec un peu plus d’érotisme comme Panique aux bains publics (Panic in Sentou), publié lui dans le Super Jump de la Suheisha, spécialisé dans le seinen et destiné à un lectorat plus agé. Il confit également avec humour qu’il a toujours eu un petit faible pour les bains publics et que c’est pour ça que cette histoire se déroule dans ce lieu qui l’intrigue tant. L’histoire : Kyôsuke et Madoka se retrouvent pour une partie de tennis. Après une partie riche en transpiration, ces derniers décident donc de se rendre aux bains publics. Mais voilà, l’âme de Madoka va se retrouver dans le corps de Kyôsuke et inversement. Nos deux héros vont donc se retrouver dans la situation cocasse où Kyôsuke va donc se rendre dans la partie destinée réservé aux femmes et ainsi voir Madoka dans son plus simple appareil.

Dans les années 90 il se lance dans de nouvelles histoires courtes, tout en découvrant le dessin assisté par ordinateur. Il explique d’ailleurs en conférence qu’il est l’un des premiers mangakas à s’être lancé dans Photoshop. Il se lance dans des titres de science-fiction et steampunk, en pleine explosion à l’époque, comme Black Moon un titre qu’il réalise d’ailleurs au format numérique. Il faut noter que Black Moon sera l’un des tout premiers mangas numérique, ce qui à l’époque est encore assez rare au Japon. Il s’essaye aussi au Cyberpunk, avec le titre EE, il explique qu’à l’époque, pour cette série de prépublication de ce format faite sous Windows 95 et gravé sur CD-Rom, il n’y avait que quelques animations très sommaires avec quelques effets et de la musique, mais que c’était déjà impressionnant pour la période. Il nous parlera également de titre comme Sesame Street où il met en scène un personnage nommé Karin qui est une version évolué d’Hikaru de Kimagure Orange Road, qui prendrait un peu sa revanche. Malheureusement le succès n’est plus vraiment au rendez-vous. Enfin, il illustre plusieurs light novels écris par Kenji Terada sur l’univers de Kimagure Orange Road ainsi que quelques histoires courtes en couleur.

Un tournant dans son parcours a lieu en 1999, il commence à avoir de violent maux de tête qui stoppent sa carrière. Tout remonte à un accident de son enfance, à l’âge de 3 ans où il avait fini dans le coma. Cet incident serait à l’origine de la maladie qui frappera le mangaka des années plus tard alors qu’il effectue des recherches pour un titre dans la ville de Shimoda. Au bout de quelques semaines très chargées, il commence à être pris de différents maux qui ne vont plus le quitter : évanouissement, migraine, mal de tête, insomnie, etc. Il se met alors à consulter afin de mettre un nom sur sa maladie, mais en vain.

Malheureusement, commencent alors 5 ans d’hôpital, d’examens, de traitements inefficaces, et même de la psychiatrie mais rien ne fonctionne. L’auteur consultera encore et encore et au bout du compte, il se dit que quitte à être malade, il préfère encore être chez lui et décide finalement de quitter l’hôpital. C’est alors que l’auteur lui-même va, en surfant sur internet, découvrir l’origine de son mal : une perte du liquide cérébro-spinal dit également liquide céphalo-rachidien. Il n’a depuis plus jamais autant dessiné qu’auparavant. Cependant il s’est montré positif : Cela fait 15 ans que j’ai cette maladie. C’était en 1999 que je l’ai eue, mais maintenant ça va bien. Je suis venu en France ! Durant ces 15 ans j’ai suivi des tas de traitements. J’ai subi des tas d’interventions. Je prends beaucoup de médicaments chaque matin, midi et soir, mais ça va ! .

C’est avec émotion que l’auteur nous confie tous ces éléments sur sa maladie, son combat pour enfin trouver un diagnostic et enfin, guérir… Généreux et loquace en interview il semble avoir une très grande envie de partager avec ses fans étrangers et décide de nous confier le lancement éventuel de son nouveau titre, dont le nom provisoire est Middle of the journey. Il y contera l’histoire d’une jeune fille, Yayoi atteinte du même mal que lui et dont l’état ne cesse d’empirer. Incomprise et méprisée par le corps médical, elle est même envoyée en hôpital psychiatrique, tout comme lui. Il veut par ce biais, parler de son mal et ainsi donner une plus grande visibilité à cette maladie méconnue de tous et peut-être ainsi aider plusieurs personnes à surmonter cette épreuve. Il déclare même avec humour que c’est pour cette raison qu’il a choisi une jeune héroïne pour relate son histoire en expliquant que les gens s’y intéressait plus que si il y avait mis un vieux comme lui.

En fin de table ronde, le mangaka nous confie que, depuis les années 2010 sa maladie lui laisse plus souvent le loisir d’aller à leur rencontre en Asie, en Europe mais aussi aux Etats-Unis. Espérons qu’il parvienne à publier son manga au Japon et, qui sait, peut-être un jour en France afin que nous pussions à nouveau profiter des œuvres de M. Izumi Matsumoto !

Remerciements à monsieur Matsumoto pour sa générosité, le staff SEFA pour la mise en place de l’interview mais aussi notre talentueux traducteur ainsi que les différents médias présent à la table ronde.

Article réalisé par Tatiana « Tanja » CHEDEBOIS et Loys Lane pour Journal du Japon.

Tanja

Tombée très tôt amoureuse du Japon, Tanja écrit sur la J-music, les mangas et les anime depuis 1997 dans des fanzines puis sur plusieurs webzine et sur son blog. Dès que l'occasion se présente elle part au Japon se ressourcer.

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